À quoi ressemble la MOBILITÉ du futur ?🚗 | Aurélien Bigo
Mobilité, voiture, train, vélo, à quoi ressembleront nos déplacements ?
7,8 milliards d’êtres humains, et 1,5 milliard de voitures dans le monde. Symbole du statut et de la liberté, on nous la vend depuis des années comme le futur de la mobilité.
Volante, électrique, à hydrogène, aux déchets (coucou Doc et Marty), la voiture et toutes les infrastructures qu'elle a induites sont omniprésentes. L'électrique est certainement le futur de la voiture, mais la voiture est-elle le futur de la mobilité ?
Aurélien Bigo est LE chercheur en vogue sur le sujet. Sa thèse était reconnue avant même qu'il n'en fasse la soutenance. CQFD.
Quels sont les grands défis de la transformation profonde qui nous attend ? Il ne s'agit pas uniquement d'avoir des voitures de moins de 2T qui peuvent parcourir 700Km sur une seule charge.
Nous irons peut-être moins loin, peut-être moins souvent. La voiture individuelle aura peut-être à perdre du terrain, face aux transports en commun (qui doivent se développer hors des villes), au partage de propriété, voire à la location ponctuelle.
Les infrastructures de proximité auront peut-être à se redévelopper, comme nous en parlions avec Sylvain Grisot, dans cet épisode sur l'urbanisme circulaire qui reste parfaitement d'actualité ! Prêt à changer vos habitudes ?
Aurélien Bigo est un spécialiste reconnu des questions de mobilité et de transition énergétique. Docteur en économie, il a soutenu en 2020 une thèse intitulée "Les transports face aux défis de la transition énergétique". Ce travail explore les leviers techniques et sociétaux nécessaires pour aligner le secteur des transports avec les objectifs climatiques à l'horizon 2050. Sa recherche est articulée autour de l’accélération de la transition énergétique tout en prenant en compte des solutions basées sur la sobriété. Chercheur indépendant, Aurélien collabore avec divers acteurs publics et privés pour approfondir ses recherches et vulgariser les enjeux de la mobilité durable, notamment à travers des publications et des vidéos.
Aurélien rappelle que la mobilité est responsable de 25 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, et environ 30 % en France. Ce secteur est majoritairement dominé par l’usage de la voiture individuelle, qui représente entre 60 et 65 % des trajets effectués, que ce soit en termes de distance parcourue ou de temps passé dans les transports. Il souligne la forte dépendance à la voiture, particulièrement dans les zones rurales, où les alternatives comme le vélo ou les transports en commun sont moins accessibles. L'accélération historique de la vitesse de déplacement, passée de la marche à la voiture, a multiplié par dix à douze la distance quotidienne moyenne parcourue. Cependant, malgré cette augmentation de la vitesse, le temps moyen passé dans les transports reste stable, à environ une heure par jour. La mobilité rapide a donc accru notre dépendance à la voiture et, par ricochet, les émissions de CO2.
L’épisode aborde en profondeur la question de la voiture électrique, souvent perçue comme une solution clé pour la décarbonation. Aurélien explique que remplacer les voitures thermiques par des véhicules électriques permet de réduire les émissions par 3 à 4, et dans certains cas par 5. Cependant, il met en garde contre l’idée que cela suffirait à résoudre le problème climatique. Il existe des obstacles à cette transition, notamment la lenteur de diffusion des voitures électriques dans le parc automobile : début 2024, elles ne représentent que 2 % des véhicules en circulation. De plus, même si ces voitures émettent moins de CO2 pendant leur utilisation, leur fabrication, notamment les batteries, reste très consommatrice en ressources. Pour atteindre les objectifs climatiques, l’électrification des voitures est indispensable, mais insuffisante sans une réduction plus générale de la dépendance à l’automobile.
Aurélien explore l’idée que la réduction des vitesses pratiquées sur les routes a un impact direct sur les émissions de CO2. Il évoque l’exemple des radars installés au début des années 2000, qui ont abaissé la vitesse moyenne de circulation de 7 km/h et, par conséquent, réduit la distance parcourue et les émissions. Il promeut aussi l’idée de développer des véhicules plus petits et légers pour les trajets du quotidien, ce qui permettrait de diminuer la consommation énergétique par passager. Le levier de la sobriété ne se limite pas à la réduction des vitesses, mais s’étend aussi à des changements dans les comportements et les choix de mobilité. La réduction de la vitesse est un moyen simple et efficace de diminuer l’impact environnemental, tout en évitant d'imposer des contraintes trop lourdes aux utilisateurs.
Dans la partie la plus prospective de l’épisode, Aurélien souligne l’importance de diversifier les modes de transport pour s’affranchir de la voiture individuelle. Il propose un report modal vers des alternatives plus sobres comme le vélo électrique, les transports en commun ou encore le covoiturage. Un des principaux leviers de décarbonation est d’améliorer le remplissage des véhicules, notamment en promouvant le covoiturage. Aurélien évoque aussi l’idée de développer des véhicules intermédiaires, plus petits et légers, destinés à des trajets courts. L’utilisation de ces véhicules serait priorisée pour des publics spécifiques, comme les ménages avec deux voitures ou les personnes seules, qui n’ont pas besoin d’un véhicule grand format pour la majorité de leurs déplacements.
Il souligne également que cette diversification nécessite une adaptation des infrastructures et une évolution des mentalités. L’enjeu n’est pas de remplacer une voiture par une autre, mais de changer fondamentalement les habitudes de mobilité, en combinant plusieurs moyens de transport selon les besoins spécifiques des trajets. Il pointe que les constructeurs automobiles, orientés par la rentabilité des véhicules lourds et sophistiqués, n'encouragent pas encore suffisamment cette transition vers des véhicules plus sobres, malgré le potentiel énorme que cela représente pour réduire les émissions.
Je cherche à comprendre les grands enjeux de la transition écologique, ce qui la freine, et ce qui pourrait l'accélérer, en passant par tous les grands silos de notre société : économie, agriculture, mobilité, culture, logement, énergie, politique, et bien d'autres sujets !