Le backlash écologique est-il un mirage ? Le “pivot majoritaire” selon Lucas Francou

Qui est Lucas Francou, le président de Parlons Climat ?

Lucas Francou est politiste de formation. Il a travaillé dans le monde politique, avant de se tourner vers l’entrepreneuriat en cofondant Parlons Climat, une structure qui analyse les rapports entre opinion publique et transition écologique. À la croisée des sciences sociales et de la stratégie, il milite pour un changement profond dans la manière de porter l’écologie en France. Avec l’IDDRI, il vient de cosigner une note ambitieuse : Vers un pivot majoritaire de l’écologie ?

La fausse évidence du “backlash écologique”

Depuis quelques mois, un mot s’impose dans le débat public : backlash. Il désignerait une forme de rejet massif de l’écologie dans l’opinion. Pourtant, les données racontent une autre histoire.

📉 Selon Lucas Francou, l’intérêt des Français pour l’écologie reste historiquement élevé, même s’il stagne. Ce n’est pas un recul massif, mais la fin d’une dynamique ascendante.

🔍 Ce backlash, s’il existe, touche surtout :

• les élites politiques et médiatiques,
• certains groupes sociaux en tension,
• et les figures militantes trop visibles, qui concentrent le rejet.

Loin d’un retournement, on assisterait plutôt à un épuisement stratégique du camp de la transition. Ce que Lucas Francou appelle un “plafond” : l’écologie est visible, mais n’avance plus.

Pourquoi les stratégies d’hier ne fonctionnent plus

Depuis des années, le mouvement écologique s’est appuyé sur des stratégies d’influence minoritaire : une minorité active, convaincue, visible, capable de créer du conflit pour faire évoluer les normes sociales.

🟠 Cette stratégie a permis de :

• Mettre l’écologie à l’agenda médiatique et politique,
• Faire voter des lois majeures,
• Mobiliser une partie de la jeunesse.

Mais elle atteint aujourd’hui ses limites.

Cinq mécanismes expliquent ce plafond :

1. L’écologie devient une cible politique,
2. Elle se polarise sur l’axe gauche/droite,
3. Elle sert de marqueur social, voire de repoussoir,
4. Ses tactiques conflictuelles créent du rejet,
5. Le mouvement s’est enfermé dans une bulle autocentrée.

L’erreur du comportement individuel comme levier principal

Une autre impasse stratégique : avoir trop misé sur la figure du consommateur responsable.

Lucas Francou le dit clairement :
👉 “Quand on peut, on veut.”
Autrement dit, les gens changent quand les conditions s’y prêtent, pas quand on les culpabilise.

⚠️ Le cadrage par le comportement individuel :

• Injuste (tout le monde n’a pas les mêmes moyens),
• Inefficace (les contraintes sont structurelles),
• Contre-productif (il provoque de la lassitude et du ressentiment).

Il faut passer d’une écologie de l’effort à une écologie du possible, structurée par des politiques publiques, des infrastructures, et des environnements propices.

Sortir de la logique “single issue”

Pour Lucas Francou, l’écologie est trop souvent isolée des autres enjeux prioritaires : emploi, logement, sécurité, santé.

Ce découplage est dangereux :

• Il empêche l’écologie d’être perçue comme une réponse globale,
• Il la rend plus vulnérable aux attaques et à la caricature.

🎯 L’alternative ?
Concevoir l’écologie comme un nouvel équilibre social, une matrice pour relire toutes les grandes politiques publiques. Ce qu’il appelle un “contrat social écologique”.

Le pivot majoritaire : vers une écologie partagée

C’est le cœur de la proposition. Face aux limites actuelles, Lucas Francou défend un changement stratégique profond, qu’il appelle le pivot majoritaire.

Ce pivot repose sur 4 piliers :

1. Diversifier les figures de l’écologie : permettre à de nouvelles voix (militaires, quartiers populaires, croyants, etc.) de porter la transition.
2. Agir sur les environnements, pas seulement sur les comportements.
3. Sortir du “single issue” : intégrer l’écologie aux enjeux sociaux majeurs.
4. Redonner du pouvoir d’agir à toutes et tous, en reconnaissant les formes variées d’engagement et en réduisant les inégalités face à la transition.

Le message est clair : l’écologie ne doit pas changer de cap, mais changer de méthode.

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