Banquier et idéaliste, le pari d'Ivan Chaleil, président de La Nef 💰

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Banque éthique, finance responsable, économie sociale et solidaire… Derrière ces mots, peut-on construire un modèle bancaire viable ? Entretien avec Ivan Chaleil, président de la Nef, pour comprendre les réalités économiques d’une autre manière de faire de la banque.

Qui est Ivan Chaleil, président de la Nef ?

Ivan Chaleil est président de la Nef, une coopérative financière française fondée en 1988.
Il y travaille depuis plus de vingt ans, après un début de carrière comme commercial. Un profil rare dans le monde bancaire, où la plupart des dirigeants viennent de la finance d’investissement.

Qu’est-ce qu’une banque éthique ?

La Nef fait partie des rares établissements à se revendiquer “banque éthique”.
Concrètement, cela signifie deux choses : une transparence totale sur l’utilisation de l’argent et une sélection rigoureuse des projets financés.
Aucun fonds n’est investi sur les marchés financiers ni dans des secteurs controversés comme les énergies fossiles, l’armement ou la spéculation.

Cette approche tranche avec celle du secteur bancaire traditionnel, où la logique de rendement reste prédominante.
Mais elle pose une question simple : peut-on allier exigence éthique et solidité économique ?

Financer l’ESS : un risque moindre qu’on ne le croit

Dans l’épisode, Ivan Chaleil évoque un constat souvent contre-intuitif :
les projets à impact social ou environnemental ne sont pas plus risqués — ils le sont souvent moins.

Plusieurs études concordent sur le taux de survie à 3 et 5 ans, meilleur pour les entreprises de l'ESS que pour le secteur conventionnel.

Cette différence ne relève pas du hasard.
Les structures de l’ESS sont généralement plus ancrées localement, avec des gouvernances partagées et une vision de long terme.
Elles résistent mieux aux crises, car elles ne sont pas uniquement orientées vers la rentabilité immédiate.

Une autonomie à contre-courant du secteur bancaire

En 2024, la Nef a obtenu son autonomie complète auprès du régulateur, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).
Un événement rare, à contre-sens d’un secteur bancaire dominé par la concentration et les fusions.

Cette autonomie s’accompagne d’une responsabilité accrue : la Nef ne peut plus s’appuyer sur un grand groupe pour absorber les risques.
Elle doit prouver qu’un modèle coopératif peut rester solide dans un environnement réglementaire exigeant.

Les chiffres de 2024 témoignent d’une stabilité encourageante :

• 179 millions d’euros prêtés,
• 493 projets financés,
• un résultat net de +2,2 millions d’euros,
• et un taux de réemploi de 75 %, c’est-à-dire que les trois quarts des dépôts servent directement à financer l’économie réelle.

Entre conviction et contraintes

L’entretien révèle la tension permanente entre les idéaux portés par la finance éthique et les réalités d’un secteur très encadré.
Ivan Chaleil évoque les arbitrages quotidiens : concilier prudence financière, impact social et exigences réglementaires.

La question de fond demeure : jusqu’où peut-on transformer la banque sans en perdre la fonction première — celle d’allouer le capital là où il est utile ?